Les spécialistes en sociologie des
organisations commencent à prendre conscience du phénomène
du "Mobbing" (Mot américain - les Anglais disent plutôt "Bullying")
qui empoisonne la vie de certains ouvriers, employés voire de certains
cadres dans les entreprises et les administrations.
DE QUOI S'AGIT-IL ?
Le "Mobbing" consiste dans la persécution ou
le harcèlement professionnel de certaines personnes par un(e) collègue
ou parfois par un chef hiérarchique.
La découverte du "Mobbing" a eu lieu par coïncidence
car les motifs des recherches visaient l'analyse des causes de l'absentéisme
dans l'entreprise, autre phénomène. C'est en recherchant
les causes de l'absentéisme par la méthode des questionnaires
que l'on est arrivé au constat que 20% des employés se sentent
concernés par le "Mobbing". Dans certains pays l'on a chiffré
le coût de ce fléau. Aux Etats Unis, par exemple, on parle
de 5 à 6 millions de Dollars de perte annuelle pour l'économie
américaine ; en Autriche on parle d'une perte annuelle pour les
entreprises autrichiennes de 200 millions de schillings. Par contre en
Allemagne on s'est attelé à chiffrer le coût pour les
victimes du "Mobbing", celui-ci s'élève à 100.00 DM
par victime.
EN QUOI CONSISTE LE "MOBBING" ?
Il s'agit de persécutions exercées par
certains employés sur leurs collègues. Cette persécution
a plusieurs facettes, elle peut être directe : provocations systématiques,
invectives, commentaires désobligeants tels que moqueries ou manipulations
créant chez la victime des inquiétudes ou angoisses en lui
faisant croire qu'elle a commis des erreurs professionnelles ; parfois
la persécution atteint son paroxysme car le "Mobber" s'en prend
directement au travail de sa victime dissimulant ses documents ou niant
les avoir reçus etc... La persécution indirecte, plus sournoise,
consiste chez le "Mobber" à répandre, par des rumeurs et
autres calomnies, des bruits sur sa victime en vue de la disqualifier aux
yeux des collègues ou de la hiérarchie. Cette pression au
quotidien plonge les victimes dans le désespoir voire la dépression.
On peut regretter que les motifs ayant conduit à
la découverte de ce calvaire soient purement des motifs de rentabilité
économique. Toujours est-il que cette découverte ne doit
pas rester du domaine des curiosités de la sociologie pour sociologues
en mal de sujet de thèses.
PROFIL DU "MOBBER"
Le "Mobber" est une personne sociable, souvent sympathique,
rien en apparence ne révèle sa véritable personnalité.
Toujours prompt à rendre service, à assister ses collègues
; derrière cette jovialité, cette disponibilité se
cache un trouble de la personnalité. Pour compenser son manque de
confiance en lui, il a besoin de créer une marge de sécurité
en cherchant quelqu'un à dominer. Il souffre d'un manque démesuré
de reconnaissance, de domination d'autrui et de puissance, frôlant
la mégalomanie. On peut affirmer, au risque de choquer, que le mobile
du "Mobber" est la peur, d'où son besoin de terroriser autrui afin
d'extirper sa propre peur en la projetant sur l'autre. Le "Mobber", en
bon prédateur futé, se déguisent en bon samaritain
pendant le repérage de sa victime, cherchant à l'identifier.
Gare à celui ou celle qui montre quelques faiblesses de caractère,
aussitôt le "Mobber", tel un animal de proie, se jette sur sa victime
avec la ruse qui le caractérise, utilisant tantôt la récompense
ou la corruption, tantôt la menace ou le chantage, dans le seul but
de dominer sa victime. Au moindre refus ou révolte contre ces rapports
qui lui sont imposés par le "Mobber", commence, alors, la vie d'enfer
pour la victime. Le "Mobber" bafoué, indigné par l'ingratitude
de sa victime, rentre en guerre, il punit le coupable tout en lui laissant
croire que les choses vont rentrer dans l'ordre (son ordre) ; après
une période de répit, le pressing reprend de plus belle,
la victime ne sait plus comment s'y prendre, elle est assommée,
"groggy". Ce jeu ressemble étrangement au jeu du chat et de la souris.
LES METHODES DU "MOBBER"
Lorsque la victime du "Mobber" par négligence
ou révolte ne réitère pas jusqu'à l'exagération
sa reconnaissance et son obéissance, ou ne se résigne pas
devant les exigences de son bourreau, il se heurte au travail de sape et
de destruction livré par le "Mobber".
Avec méthode et persévérence,
le "Mobber" ne lâche pas sa proie, lançant des attaques directes
et indirectes. L'entreprise de destruction est comme un rouleau compresseur,
broie tout sur son passage.
Il s'en prend à la fois à la victime
- brimades, intimidations - et à son image, la ternissant auprès
de son entourage qu'il a, auparavant, au mieux corrompu, au pire menacé
car le "Mobber" est craint par l'entourage ; il se rend parfois incontournable
professionnellement même quand son travail est subalterne. Les collègues,
par lâcheté ou par paresse, ne lui font pas front sauf dans
des cas rarissimes. Face à ceux qui lui tiennent tête résolument,
le "Mobber" prend ses distances, provisoirement du moins.
PROFIL DE LA VICTIME
Le profil de la victime est celui d'une personne timide,
pusillanime, présentant des faiblesses de par son statut, son grade
ou un manque de personnalité simplement. La hargne du "Mobber" le
déstabilise. Ne pouvant ni lutter ni fuir, la victime se résigne
développant des maladies psychosomatiques, ulcères, maux
de têtes etc.., insomnies, voire dépression nerveuse. Certaines
victimes se font licencier, ce qui est un comble. Des cas de suicide ne
sont pas encore connus mais ne sont pas cependant à écarter.
Ce profil est très flou, des confusions sont
toujours faciles et personne n'est à l'abri car les "Mobbers" affûtent
leurs techniques au fil du temps et adaptent quelquefois leurs méthodes
selon le terrain. Le profil des victimes change selon les "Mobbers" ou
leurs goûts ou leurs gourmandises et le degré de leur lâcheté.
COMMENT FAIRE FACE AU PHENOMENE
Les organisations ont souvent des failles dans leurs
structures ou leurs organigrammes. C'est à l'intérieur de
ces failles que les "Mobbers" s'infiltrent créant ainsi ce pôle
de pouvoirs sur certains de leurs collègues. Les hiérarchies
informelles constituent les terrains de prédilection des "Mobbers".
Ils s'infiltrent dans les moindres fissures pour installer leur pouvoir
informel et rançonner les plus vulnérables parmi leurs collègues.
Pour éradiquer ce phénomène,
il faut agir sur plusieurs registres et à plusieurs niveaux:
L'administration devrait prendre les responsabilités
qui sont les siennes, en élaborant des organigrammes clairs avec
des descriptions précises des responsabilités et des tâches,
aucune ambiguïté, en effectuant des contrôles systématiques
et le réexamen périodique du fonctionnement de l'institution
ou du service pour en déceler tout dérapage pouvant être
exploité par le "Mobber".
Des sanctions devraient être prises contre les
"Mobbers", accompagnées même par des mesures de protection
de leurs victimes.
Les organisations représentant le personnel
devraient être attentives aux différentes plaintes introduites
par des employés, cependant il y a chez les victimes des "Mobbers"
une attitude d'intériorisation de la souffrance subie, de peur que
leurs plaintes ne soient considérées comme une reconnaissance
de leur propre faiblesse. Ils refoulent leur problème, et quand
bien même ces problèmes surgissent, ils sont alors interprétés
à leur détriment. Il faut aller plus loin et demander aux
délégués sur place d'anticiper les problèmes
des victimes et de les encadrer avec toute la discrétion et la sensibilité
qui s'imposent.
La création d'un comité ad hoc, spécialisé
dans le "Mobbing" serait, d'une grande utilité pour soulager les
victimes est pour aider à une meilleure ambiance dans le travail
et l'intégration européenne en sortirait grandie.
Une campagne de sensibilisation des collègues
devrait être lancée à la fois par l'Administration
et par les O.S.P pour attirer l'attention sur le phénomène
et demander aux collègues d'apporter leur soutien aux victimes et
les encourager à introduire des réclamations auprès
du comité ad hoc. Cela aura un effet dissuasif immédiat sur
les "mobbers.