Onzième législature
déposée le 14 décembre 1999 : proposition de loi relative
au harcèlement moral au travail
Présentée
par : Messieurs Georges HAGE, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Claude
BILLARD, Bernard BIRSINGER, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre
BRARD, Jacques BRUNHES, Patrice CARVALHO, Alain CLARY, Christian CUVILLIEZ,
René DUTIN, Daniel FEURTET, Madame Jacqueline FRAYSSE, André
GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Guy HERMIER, Robert HUE, Mesdames
Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, Messieurs André LAJOINIE, Jean-Claude
LEFORT, Patrick LEROY, Félix LEYZOUR, François LIBERTI, Patrick
MALAVIEILLE, Roger MEÏ, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel
PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXES, Jean VILA (1), députés
EXPOSE DES MOTIFS
Harcèlement moral,
harcèlement psychologique au travail, ces termes recouvrent une
dure réalité, désignée sous le nom de mobbing
par les Anglo-saxons, une souffrance propre au salarié, au travailleur,
injustifiable au regard de la dignité humaine; souffrance dont l'ampleur
et l'intensité s'accentuent au fil des années.
En étudiant l'impact
des conditions du travail et de son organisation sur la santé des
travailleurs, syndicalistes et spécialistes de différentes
disciplines ont mis à jour cette forme particulière de harcèlement
sorte d'agression le plus souvent d'origine hiérarchique, distincte
du harcèlement sexuel. Des ouvrages ont permis à un large
public de mieux connaître le phénomène en révélant
la diversité de ces manifestations, en mettant en évidence
sa relation avec l'organisation du travail et le fait que sans intervention
appuyée sur une législation nouvelle les salariés
resteront piégés, désemparés et sans recours
juridique.
Le phénomène
se manifeste sous des formes diverses, par des attitudes, des brimades,
des pressions, des vexations, voire des refus de communication, soit tout
un ensemble de comportements diversifiés qui de prime abord peuvent
paraître anodins, mais que leur répétition injustifiée
rend condamnable. Si aucune étude d'ensemble n'a été
faite à ce jour en France, les études publiées dans
d'autres pays européens, ou menées à, l'échelle
européenne révèlent des données effrayantes
: selon une recherche de 1998 menée par la Fondation Européenne
9% des salariés français - 1,9 million de personnes - auraient
été victimes d'intimidations ou de brimades sur leur lieu
de travail au cours des 12 mois précédents.
La victime du harcèlement
moral se trouve souvent atteinte de pathologies multiples pouvant conduire
jusqu'au suicide. Des salariés sont de la sorte contraints à
démissionner pour protéger leur santé. Une telle décision
ne suffit pas toujours : ils peuvent mettre des années à
se rétablir. Une législation spécifique est devenue
une nécessité, la reconnaissance de leur souffrance ainsi
que les moyens d'obtenir réparation devant la justice pour les préjudices
subis apparaissant d'ailleurs comme des facteurs de guérison.
En outre, le harcèlement
moral au travail se trouve aujourd'hui de plus en plus utilisé par
le patronat comme alternative pernicieuse au licenciement : acculer le
salarié à la démission permet à l'employeur
d'éviter le recours à une procédure de licenciement
contraignante et parfois coûteuse.
Si cette forme de harcèlement
moral au travail est ancienne, sa nouveauté réside dans la
gravité, l'ampleur et la banalisation du phénomène.
Le chômage massif et durable engendré par la crise n'est pas
étranger à cet état de fait : la crainte du licenciement
conduit des salariés souvent en charge de famille à endurer
des situations aussi humiliantes qu'inacceptables.
La mise en concurrence
systématique des salariés génère également
des comportements agressifs.
L'exploitation des femmes
et des hommes au travail s'accompagne trop souvent de violence. La crise
nouvelle du capitalisme engendre elle-même dans la société
une dérive faite d'exclusion, d'inégalités et d'injustices,
qui provoque un climat pénétré d'agressivité.
Lequel aggrave à son tour les relations dans les milieux professionnels.
Cette constatation invite
à légiférer sur la violence au travail - sans ignorer
pour autant les limites inhérentes à une telle loi. En effet
la place qu'occupent les entreprises dans les sociétés industrielles
assigne un rôle déterminant au droit du travail.
Les relations dans le
processus de production, comme les relations entre salariés eux-mêmes
conditionnent largement la qualité de la vie sociale. Ce qui se
déroule dans les entreprises est donc essentiel pour la démocratie
et les droits fondamentaux. Lutter contre le harcèlement moral au
travail ne peut que contribuer à l'exercice concret et personnel
de toutes les libertés.
Il est heureux et positif
que des associations, des syndicats, des collectifs et autres personnes
individuellement sensibilisées interviennent pour aider les victimes
et alerter sur les dangers de ce type de harcèlement. Toutefois,
si des dispositions du droit en vigueur peuvent être invoquées,
force est d'admettre qu'elles restent d'une efficacité trop limitée,
mal connues, d'application lente et difficile. Or, à l'instar d'autres
législations européennes ces dispositions méritent
d'être considérablement renforcées.
C'est pourquoi, pour combattre
efficacement le harcèlement moral, le groupe communiste a décidé
de contribuer à l'amélioration de la législation en
élaborant une proposition de loi avec le concours d'un collectif
pluridisciplinaire. Des syndicalistes, avocats, inspecteurs du travail,
conseillers prud'homaux, psychiatres, psychologues, membres d'associations
de victimes et de réflexion sur le harcèlement moral ont
contribué à sa mise en oeuvre.
Une question a été
posée en juin dernier dans l'hémicycle à Madame la
Ministre de l'Emploi et de la Solidarité qui s'est déclarée
favorable à un aménagement de la législation.
C'est pour toutes ces
raisons, Mesdames et Messieurs, que nous souhaitons que tous les groupes
de l'Assemblée apportent leur soutien à cette proposition
de loi visant à protéger l'intégrité tant physique
que morale et la dignité du travailleur.